Ilies BOUABDALLAH, Hôpital Saint Joseph
Bien que le cancer le plus fréquent chez l’homme soit celui de la prostate, chez la femme celui du sein, et chez les deux réunis le cancer colo-rectal, il est important de rappeler que le cancer du poumon tue malheureusement plus à lui tout seul que l’ensemble de ces trois précédents cancers réunis. Il s’agit donc d’un véritable problème de santé publique toujours pas résolu!
Le pronostic de la maladie dépend principalement du stade au moment de la découverte. Lorsque, par chance, la maladie est identifiée un stade localisé, le traitement de référence est la chirurgie avec un vrai projet de guérison. Actuellement, seulement 15 à 20% des patients atteints d’un cancer du poumon sont diagnostiqués précocement. L’objectif serait donc d’augmenter ce pourcentage et il existe pour cela une solution: le dépistage !
Il n’y a malheureusement pas encore de dépistage systématique national organisé par la France, malgré la demande de l’ensemble des sociétés savantes. En 2022, l’HAS a proposé des expérimentations en vie réelle et l’Union Européenne a encouragé ses États membres à mettre en place des programmes de dépistage pour le cancer du poumon. On peut donc espérer voir apparaître prochainement ce dépistage national organisé. Il ciblera principalement les fumeurs de plus de 50 ans, et les modalités sont encore en discussion. Il s’agira sûrement d’un scanner thoracique faiblement dosé sans injection.
Cet examen va d’ailleurs plus loin que le seul dépistage du cancer du poumon, et doit être perçu également comme un bilan du fumeur. En effet, l’essai NLST a montré une survie globale augmentée chez les personnes dépistées par scanner. En d’autres mots, ils voient ainsi leur espérance de vie rallongée !
Ce dépistage ne doit donc surtout pas être vu comme une contrainte, mais plutôt comme une opportunité : comme une visite chez le dentiste (pour l’hygiène, sans forcément avoir de carie) ou un contrôle technique pour sa voiture (pour la sécurité routière, sans forcément avoir de problème mécanique). On estime ainsi en France à plus de 7000 décès évités si un programme de dépistage du cancer du poumon était mis en place ( soit deux plus que les accidents de la route …).
Grâce au dépistage, on découvre donc des tumeurs de plus en plus petites permettant de diminuer la quantité du poumon retirée. On parle de « désescalade thérapeutique » avec l’émergence de la ségmentectomie radicale, des durées de séjour très courtes et d’un retour à la vie normale raccourci. Lorsque la maladie est découverte un stade plus avancé, là aussi il y a de plus en plus d’espoir avec le développement de la personnalisation des soins. On va vers de la médecine sur-mesure, en fonction de la carte d’identité de la tumeur. La recherche évolue vite et les résultats sont prometteurs !
Le dépistage s’inscrit forcément avec de la prévention s’il se veut optimal. Il faut donc aider les personnes tabagiques à se sevrer. En 2023, cela ne doit pas être douloureux! En effet, l’addiction est due à la nicotine et nous avons les moyens efficaces de la substituer. En plus, cette substitution est remboursée à vie en France: Quel beau pays !
Enfin, on estime en France à 2 millions le nombre de personnes potentiellement éligibles à ce programme de dépistage. Il faudra, avec les instances et les sociétés savantes, réfléchir au meilleur format possible afin d’éviter les difficultés rencontrées par les dépistages nationaux des autres organes (ex: taux d’adhésion très faible de la population…).
Le challenge de guérir cette maladie grave est ambitieux, mails il semblerait que nous avons aujourd’hui les armes pour relever ce défi. L’avenir sera optimiste !